Les Stratégies obliques du petit père Eno. Vaste fumisterie ou absolu génie ? La postérité seule en jugera — vous me direz qu’elle en juge déjà, mais je parle de la postérité, pas des petits-enfants éclairés de la génération hippie, pas des produits de ces coïts expédiés sous Roxy Music (et mescaline) en 1974, l’année de ma naissance. Envisager papa sous mescaline ? maman lysergisée ? Plutôt crever.
La postérité, camarade. Six cents ans après Matt-Pokora. “600 après M.-P.”, qu’il y aura écrit. L’ère du Médiocre dans sa six-centième année. Tu vois le topo ? Tu visualises ?
Que diront-ils en subissant les six heures du Music for Airports étiré par la grâce d’un bout de software du début du XXIe siècle à l’ergonomie déjà douteuse alors ? Que sauront-ils, ces médiévistes d’un autre âge, du concept même d’ergonomie, d’expérience utilisateur ?
Peu, sans doute. Ils ne retrouveront jamais Paul’s Stretch, son interface absconse, ses pouvoirs magiques. Ne comprendront pas qu’on ait pu s’en servir pour transformer la guitare de Robert Smith en orgue d’église.
Ils ignoreront ce que fut un ordinateur, ne sauront pas expliquer l’omniprésence de cet outil, ne comprendront pas l’ambient d’Eno, improductive, qui me servait parfois à me plonger dans l’atmosphère propice à l’excrétion de mes névroses. Il n’y aura plus de littérature depuis longtemps. Il y aura les Pokoristes. Le schisme sera daté avec ambiguïté : “au tournant du troisième millénaire”. Ils ne se souviendront pas mon nom, ni n’auront la moindre idée du tien.