La fille du bar de l’hôtel

Elle est gentille, et m’écoute, et me parle
Comme si elle comprenait que je suis à fond de cale

Pigalle, Les Lettres de l’autoroute

R. a de jolis yeux qui me consolent un peu. Je suis si amoureux d’une autre, si souffrant, que je bois de l’Aberlour pour oublier que je me trompe ; R. est toujours là, qui n’en sait fichtre rien et me propose naïvement les plats les plus audacieux de la carte de l’horrible bar lounge qu’elle tient à contrecoeur. Une poêlée de gambas ? Roule, ma poule. And keep the whiskies coming.

Amoureux. Souffrant. Intéressant. Pour moi l’amour n’est approché que d’assez loin dans l’état amoureux, comme la souffrance n’est approchée que de loin par le souffreteux. Le suffixe dit tout. Amoureux, vaguement malade d’un ersatz — d’un espoir ? — d’amour.

L’anglais dispose aussi du suffixe -ish mais la traduction littérale est l’ennemie, on le sait. On ne dit ni n’écrit I feel lovish. On préfère I’m in love, je suis dans l’amour, en amour, plongé, noyé, immergé dans (l’idée de) l’amour. Ce qui ne veut pas dire qu’on aime ; réservons cette drôle d’idée à tous ceux que n’intéressent ni la peau ni le sexe. L’amour est par essence asexué. « L’amour physique est sans issue », ahanait le poète mal rasé. C’est que pour l’amant seul compte l’état amoureux, à la fois dépassement de l’amour et sa sublime réduction à la peau.

La chère peau.

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